• REPRENDRE LA SAISON


    L'été, c'est la rupture. Une période positive pour reprendre des forces ... mais qui peut avoir des aspects négatifs, qui se jouent au moment de la reprise. Voici cinq bonnes décisions à respecter pour bien finir l'été.

     

    N'ARRETEZ PAS


    Conseil paradoxal quand on évoque la reprise, mais essentiel. On n'arrête jamais d'être judoka, ni hors du dojo, ni dans les périodes de vacances scolaires, c'est l'état d'esprit fondamental de notre discipline. La rupture complète et prolongée, tant sur le plan physique que sur le plan mental, est un risque. Sans même évoquer le temps et les opportunités perdues pour progresser, il devient difficile, au fur et à mesure que les semaines passent, de retrouver l'état d'esprit de vigilance et d'envie qui est la marque du pratiquant motivé. Insidieusement, c'est un autre état d'esprit qui s'impose et, sans l'avoir voulu, on se retrouve "non judoka", c'est-à-dire, structuré par d'autres habitudes, et le retour devient problèmatique. Il ne s'agit donc pas de faire forcément en été exactement ce que vous faites le reste de l'année, mais de ne pas décrocher mentalement, pour pouvoir revenir facilement plein de volonté sur le tapis de votre entraînement quotidien.

     

    DECIDEZ


    Un des soutiens les plus solides de la pratique, c'est l'habitude. A force de faire avec régularité quelque chose, on finit par ne plus y penser, par ne plus avoir à se poser la question de prendre son sac le matin pour l'entraînement du soir. Et au-delà même, ce qui est pratiqué de cette façon devient un besoin. A contrario, il est toujours difficile de créer ou de recréer cette habitude, ce besoin. La meilleure façon donc, de reprendre, est de substituer à cette habitude perdue, la volonté : décidez de la date de votre reprise et de son rythme et tenez-vous strictement à la décision. L'essentiel est de ne pas avoir à choisir! Car quand on doit choisir systématiquement  si "on y va ou pas", forcément, on finit par perdre non seulement de l'énergie mentale, car il est toujours difficile de se décider, mais aussi l'essentiel, c'est-à-dire la régularité.

     

    PLANIFIEZ


    Il n'y a pas que la dimension physique qu'il est bon de planifier pour un retour réussi. La notion de progrssivité, essentielle sur le plan physique, a du sens aussi sur le plan psychologique. Faites-vous plaisir dans les premiers jours de votre retour, ne commencez pas directement par des séances trop exigeantes sur le plan mental ...  ce qui ne veut pas dire qu'elles ne peuvent pas être exigeantes physiquement. Dans le même temps, faites le bilan rapide de votre année et décidez de ce que vous souhaitez pour celle-ci. Reprenez contact fermement avec vos ambitions, vos rêves, vos choix. Décidez mentalement à partir de quelle date il n'est plus temps de perdre du temps.

     

    DURCISSEZ


    Il y a un engourdissement délicieux, mais pernicieux, qui naît du farniente estival. Les notions essentielles du moment, en plus du repos, sont celles de la liberté et du plaisir. Sur le plan sportif, selon sa nature, ce sera plutôt les parties de foot entre amis, le tennis, les virées à roller ou en vélo. Il ne s'agit pas de rompre totalement avec ce principe, évidemment, mais de profiter des derniers temps de liberté, où des premiers jours de la saison, pour se secouer par de bonnes séances d'endurance. Solliciter le corps, car l'endurance physique est une des qualités essentielles du judoka, pour solliciter l'esprit, pour se revivifier dans l'effort de ces séances plus rudes.

     

    REVEZ


    Pourquoi pas, cette année, passez votre ceinture noire ou des dan? Ou réussir une sélection aux inter-régions? Il est temps d'y penser et de nourrir votre retour de ces envies qui doivent devenir des projets. Comme les bonnes résolutions de début d'année, il n'est pas dit que vous passiez effectivement à l'acte, mais en attendant, ces rêves dynamiseront votre retour, le rendront plus facile. Et ils auront un autre mérite : vous faire prendre conscience de ce qui a changé en vous pendant ces semaines d'été. Il est temps alors d'arrêter ...


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  • Je vais vous raconter l'histoire d'Alexandre. Alexandre avait ce vieux rêve de vivre dans la ville de la lumière, de connaître Paris, de visiter ses musées, de connaître ses artistes célèbres, de vivre la bohème, celle que chantait Charles Aznavour et, pourquoi pas, de triompher. Car Alexandre était rêveur, mais c'était également un artiste. Il était artiste peintre et il voulait aussi être ninja. Cette idée lui était venue après avoir vu le film « Octogone » avec Chuck Norris et parce qu'un ami lui avait commenté qu'en France vivait le seul ninja qui s'habillait en blanc. Et Alexandre voulait étudier avec lui le ninjutsu, l'art des ombres. Alexandre se faisait appeler « Sensei Paris » car Paris était le nom que l'on donnait dans la mythologie grecque à Alexandre, le fils des rois de Troie qui l'abandonnèrent parce qu'une prophétie avait annoncé que Paris causerait la ruine de Troie. Réalisant un jour enfin son rêve, Alexandre s'en alla à l'aéroport, direction Paris, sa ville aimée, son rêve impossible qui enfin se faisait réalité. En plus de ses maigres économies, il prit quelques vêtements et une valise contenant 365 boîtes de conserves de sardines « Margarita » conservée dans de l'huile de sésame, 365 boîtes de conserve de poisson. Il était prêt à vivre, à survivre, un an dans sa ville idéale. Un ami artiste (celui-là même qui lui avait parlé du ninja blanc) lui avait offert une petite pièce au fond de son atelier et il allait vivre là le temps d'une année. Il dépenserait le moins possible et mangerait une boîte de sardine par jour. Il le ferait le soir, avant de se coucher pour ainsi assimiler tout son contenu. Miraculeusement, Alexandre Sensei Paris passa la douane sans qu'on ouvre sa valise. Il échappa ainsi à l'accusation de contrebande de conserves de sardines. C'était véritablement incroyable. Comment ne l'avaient-ils pas découvert à la douane française, ni ouvert la valise pleine de sardines ? Un miracle des Dieux ?De Paris, que vous dire. Il passait tout son temps à la tour Eiffel qui fut construite en honneur à la fidélité de Paris au reste du monde et qui était devenue la carte d'identité de la ville et d'Alexandre aussi, qui l'aimait et allait souvent s'asseoir la peindre à ses pieds, tout comme il peignait aussi Notre Dame, Montmartre, le Palais de Chaillot, le jardin du Trocadéro, la Seine, la Sorbonne, l'Arc de Triomphe, les Champs Elysées. Ces beaux Champs Elysées où revêtu de l'uniforme noir de ninja, il improvisait des kata qu'il inventait et lançait des étoiles ninja contre les arbres et où souvent aussi il allait dormir le midi sur la pelouse. Il allait se promener boulevard Montparnasse tout en pensant à Charles de Gaulle. Ou il allait le lundi au Louvre s'extasier devant ces oeuvres d'art qu'il ne connaissait qu'à travers les photographies des livres d'art, la Vénus de Milo, la Victoire de Samothrace, la chère Mona Lisa de Léonard de Vinci. Il allait voir les oeuvres de Picasso, Monet, Renoir, Cézanne.Pour Alexandre, la France c'était seulement Paris et la colline de Montmartre la délimitait du reste du monde. Il n'aimait pas du tout les Français et ne parlait même pas leur langue. Tous les jours, il marchait et allait visiter le Quartier Latin, sur la rive gauche de la Seine, ou il allait se promener rue de Rivoli, rue de la Paix, rue Saint Honoré où il regardait toujours à travers la fenêtre d'une maison où l'on pratiquait la savate. Il continuait avenue de l'Opéra, boulevard des Italiens, boulevard Montparnasse, pour terminer une fois de plus aux Champs Elysées. Et là, épuisé, après avoir lancé quelques coups de pieds sautés, il restait à dormir ou à lire le Monde ou le Figaro.Sans s'en rendre compte, onze mois avaient passé et il avait consommé 330 boîtes de conserve. Il gardait les autres très soigneusement car elles étaient sa subsistance. Il savait qu'en décembre, il serait de retour chez lui, de retour dans sa ville natale, avec sa famille et ses amis. Il passait toutes ses journées de la même façon. Il dessinait, il faisait des kata, il promenait son corps efflanqué dans Paris, espérant un jour rencontrer Jean Claude van Damme, le soke Hatsumu ou son idole Stephen Hayes, « le ninja blanc ».Puis il rentrait le soir à l'atelier, écoutait les vieux 33 tours d'Edith Piaf : « je ne regrette rien », « la vie en rose », et de Charles Aznavour : « viens pleurer au creux de mon épaule », « tu t'laisses aller », « la mamma », « comme ils disent ». Et il mangeait sa boîte de conserve quotidienne. Sensei Alexandre ne parlait avec personne. Cela faisait presque un an qu'il était dans la ville de la lumière et il n'avait toujours pas savouré la douceur du succès, ces 15 minutes de célébrité que lui avait promis Warhol. Et il n'avait pas non plus rencontré les ninja parisiens. Il allait à l'atelier et les dernières boîtes de sardines l'attendaient, son précieux trésor. Jour après jour, il suivait la même routine. Comme il ne lui restait plus qu'un jour à Paris, il sortit rapidement se promener, dans son uniforme tout noir avec sa capuche et son shinobi shozoku. Il s'en alla vers le centre national d'art et de culture George Pompidou. De là, il alla au musée Picasso, l'hôtel Sale du XVIIème siècle restauré, car ce musée possède la plus grande collection de peintures de cet artiste. Ensuite il alla de nouveau voir la pyramide de cristal, puis à la Sorbonne.On le retrouva complètement nu, mort, vidé de son sang. Il s'était fait de profondes coupures à l'avant bras gauche qui avaient atteint les veines et les artères. Son cadavre baignait dans une grande mare de sang. Les coupures avaient été faites avec un objet tranchant qu'on ne réussit pas alors à identifier. A la morgue, le médecin légiste nettoya le cadavre et procéda à l'autopsie. C'est alors qu'ils se rendirent compte que les coupures à l'avant bras gauche formaient un mot, maladroitement écrit avec des lignes droites.Dans cette chair, les profondes coupures avaient écrit le mot « Paris ». Le chef de la police chargé de l'investigation du cas, chercha alors avec toute son équipe, là où on avait retrouvé le cadavre. Ils parvinrent finalement à trouver l'arme avec laquelle il s'était donné la mort. C'était le couvercle coupant de la boîte de sardines. La dernière boîte de conserve qui restait à Alexandre sensei Paris.


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    POUR BIEN PASSER L'ETE


    L'été, c'est la chaleur, la lumière, mais aussi une période assez longue, notamment pour les plus jeunes, de mondre activité, voire de rupture avec l'activité quotidienne. Sur le plan mental, c'est une période de l'année essentielle dont il faut savoir profiter.

     

    DECONNECTEZ


    Le rythme de vie moderne, tant des adultes que des plus jeunes, élèves ou étudiants, est stressant, usant physiquement et mentalement. La passion même qu'on peut éprouver pour une activité est exigeante mentalement. Il faut savoir faire un break complet. Trouvez quelques jours, si possible une bonne semaine, pour ne rien faire du tout! Dormez dix heures par nuit, faites la sieste quand vous en ressentez l'envie, renoncez à tout sauf au soleil, au repos, au farniente. Ne sortez pas le soir, cherchez le silence, la quiétude, jusqu'à être complètement gorgé de repos. Ensuite ... Bougez-vous!

     

    SOYEZ A L'HEURE D'ETE BIOLOGIQUE


    Bougez-vous, c'est la nature qui le veut! Notre mode d'activité sur l'année ne respecte absolument pas les rythmes biologiques qui continuent à agir en nous. Quand toute la nature, flore et faune, s'endort en hiver pour s'épanouir en été, nous faisons exactement l'inverse : à fond de septembre à juin quand la lumière manque, que la température est aussi basse que nos indicateurs biologiques, nous débrayons en été alors qu'ils passent au vert! Nous sommes biologiquement au "top"! Profitons donc de ce potentiel pour nos activités personnelles : entraînons-nous, travaillons pour nous.

     

    FAITES D'AUTRES ACTIVITES


    Dans le droit fil des conseils précédents, la pratique d'autres activités physiques (ou intellectuelles) vous aèrent la tête, vous permettent de faire marcher la machine biologique à fond et de vous entraîner autrement. Par ailleurs, et c'est un des aspects les plus importants à prendre en compte (avec celui du plaisir!), vous pouvez travailler efficacement un point faible avec ce procédé. Allez faire du foot, du basket ou du hand pour l'adresse et le timing, des parties d'échec pour la concentration. Vous voulez passer un cap psychologique? Pourquoi pas une initiation au rugby, au VTT ou un trekking long en montagne? Sortez de vos sentiers battus!

     

    REFLECHISSEZ


    Pourquoi? Parce que le temps nous manque souvent pour reconsidérer l'ensemble, faire réellement des choix, comprendre nos limites et nos blocages. Profitez de la disponibilité que l'été vous laisse, les moments de solitude sereine, ou les longues soirées de discussions. Favorisez les échanges avec les autres, en tâchant d'expliquer ce que vous faites, ce que vous souhaitez pour le futur, c'est une bonne façon de mettre de l'ordre intérieur. Soyez attentif à ce que vous entendez et profitez de votre forme pour lire des choses "intéressantes", à votre idée : Philosophie, histoire ou même un bon roman qui vous tente, de quoi modifier votre vie. L'été, c'est le moment de changer de niveau de conscience.


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  • Dans notre voyage au pays des valeurs du code moral du judo nous voici arrivés à la deuxième étape : celle du courage. Si nous avions commencé notre périple en douceur par une valeur qui n'en était pas tout à fait une, la politesse, nous voici arrivés d'emblée, avec le courage, au pied d'un Fuji Yama de la morale universelle. Partout et par tous, le courage est respecté et la lâcheté méprisée. Cela tient sans doute en partie à nos vieilles habitudes guerrières : le courage est la vertu du soldat, du samurai, du héros. On pourrait même trouver suspect que cette vertu virile soit considérée si unanimement comme une qualité essentielle de la nature humaine. Après tout, elle n'a rien à voir a-priori avec la morale : on peut être courageux sans être juste, honnête et bon ... Mais peut-on être juste, honnête et bon tout en étant lâche? Sûrement pas. Sans un peu de "force d'âme" il est impossible de "faire ce qui est juste" comme le suggère Confucius, aussi bien sur le champ de bataille que dans la vie de tous les jours. Faire ce qui est juste dans les petites choses comme dans les grandes est un simple mais vaste programmes. Cela implique de savoir sans cesse affronter les petites et les grandes peurs (surtout les petites beaucoup plus nombreuses!), les paresses, les fatigues, les découragements, les manques de confiance, les autres et soi-même. Y-aurait-il une école pour acquérir le talent?
    Commencer n'est jamais facile et monter pour la première fois sur un tatami demande bien un peu de courage, à l'enfant comme à l'adulte, mais, au fond, pas plus que d'entrer dans de l'eau froide ou dans une pièce où l'on ne connaît personne. Sur le tatami, comme ailleurs, c'est continuer qui est le plus difficile. L'entraînement est dur et la confrontation à nous-mêmes, à nos propres limites, même si elles sont chaque fois repoussées, souvent amère. Les techniques sont à portée de la main mais on ne peut pas les prendre malgré toute notre volonté de le faire. On apprend à recommencer sans réussite, à renoncer à être le meilleur et on court après les progrès, qui ne sont jamais où on les attend. Les combats nous troublent et nous désillusionnent.Surtout celui qu'on livre contre soi-même.
    On se souhaiterait un peu moins faible, on se voudrait un peu plus fort ... mais il est impossible de tricher : la redoutable simplicité du judo sanctionne les rêveurs. Et pour celui qui tire des satisfactions de sa réussite, qui s'aime un peu trop "vainqueur", un autre péril guette. Il est toujours un moment où il devient nécessaire de renoncer à quelque chose ... à commencer par la jeunesse. A ne pas vouloir le faire, certains finissent par renoncer à leur pratique elle-même. Continuer, oui, mais pour ne jamais finir. Heureusement, tout cela est un jeu. Un jeu plaisant, passionnant. Une grande aventure qui a aussi ses satisfactions et ses orgueils. La pation de pratiquer n'est jamais triste ... Pour celui qui a "eu le courage" d'accepter les règles de ce jeu-là, les satisfactions sont infinies. Le judo est exigeant et difficile (comme la vie) mais (contrairement à elle) il indique clairement les directions à suivre : être régulier à l'entraînement, être sincère dans la pratique, ne pas refuser les expériences, faire de son mieux ce qui doit être fait, ce qu'il est "juste" de faire.Le courage du héros est celui de l'action ponctuelle. Le courage au judo est d'un autre ordre : savoir commencer (sans objectif), continuer (sans résultat) ... et ne jamais finir (sans espoir). Le tout en prenant un maximum de plaisir.

    HISTOIRE DE MANQUE DE COURAGE :


    Yon était un lutteur à la réputation grandissante de la province de Hi. Il était l'orgueil de son maître et du seigneur de la région chez qui il résidait, s'entraînait et luttait contre les adversaires qu'on lui opposait. L'idée vint aux deux hommes de confronter leur combattant si brillant à Kim Hu "le très vaillant", un lutteur exceptionnel, vainqueur de plus de quatre cent combats, la perle de Ho, la province voisine. Yon avait entendu dire qu'il était vieillissant. Le défi fut d'abord refusé puis accepté lors d'une ambassade courtoise et Yon dut partir seul en palanquin retrouver son dangereux adversaire et l'assemblée des seigneurs réunis. Les provinces n'étaient guère éloignées et il s'en fallait d'une bonne journée de marche pour atteindre son but.
    Six étapes étaient prévues pour reposer les porteurs et restaurer la troupe : les villages de Go, de Mon, de Ju, de Ji, de Tau et de Setimin. A Go, Yon fut reconnu et acclamé. Il s'en trouva conforté. A Mon, personne ne lui fit d'éloge, il se trouva bien loin de chez lui. A Ju, on commença à lui vanter les extraordinaires mérites de Kim Hu et il commença à se demander ce qu'il faisait là. A Ji, il se trouva épuisé et malade de l'eau qu'il avait bu à Ju. A Tau, il ne vit aucun moyen de vaincre un tel adversaire et il rebroussa chemin. Quelques temps plus tard, le lutteur Kim Hu de la province de Ho recevait un message du lutteur Yon de la province de Hi qui disait ceci :
    "Vaillant parmi les vaillants, je reconnais ta victoire. Après une dure journée de combat tu m'as vaincu définitivement au village de Tau. Je renonce désormais à me prétendre ton égal".


    HISTOIRE DE SUPREME COURAGE :


    Kyokun était maître de thé auprès d'un daimyo de province qui tirait beaucoup de gloire de sa maîtrise remarquable. Sa réputation avait atteint la cour du shogun et il accompagna son seigneur lors de sa visite annuelle aux puissants du royaume. Dans les rues de la capitale, il fut défié en duel par un samurai. L'affaire était manifestement politique et l'on cherchait à atteindre son maître à travers lui, mais les règles de l'étiquette lui interdisait de décliner le funeste rendez-vous qui avait été fixé au lendemain. N'étant pas homme de guerre, il se savait incapable de remporter le combat; son seul souci était de ne pas être responsable d'un manquement à l'honneur qui eut pu être par la suite reproché à son seigneur.
    Il s'ouvrit de son embarras au seul maître de sabre du clan qui faisait lui aussi partie du voyage. "As-tu peur de la mort?" lui demanda ce dernier. "Je n'ai peur que d'être embarrassé de ces armes que je ne connais pas, de ce combat que j'ignore. Mourir, je le veux bien, mais sans manquer à l'honneur de mon maître". "Ne t'inquiète de rien et fais ce que je te dis. Demain, rends-toi au rendez-vous avec ce sabre que je te donne. Salue profondément ton adversaire, plie ton vêtement avec application et prépare-toi comme si tu préparais à servir le thé. Dans cet état d'esprit, fais face à l'adversaire, ferme les yeux et attends le bruit de son sabre. Dès que tu l'entends, coupe devant toi. Tu mourras mais tu le toucheras aussi de ta lame". Le maître de thé, rassuré, passe une nuit excellente. Face à son attitude sereine et concentré, le samurai nerveux qui l'attendait fut ébranlé dans sa confiance. Le voyant si plein de confiance dans une posture sans faiblesse, il décampa sans demander son reste.


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  • Il est partout, sur nos licences, nos passeports sportifs, nos diplômes. Quand le débutant s'interroge on lui répond : "Ca? Mais c'est le code moral du judo!". Ce qu'on lui dit moins souvent c'est d'où il vient et à quoi il sert, ce fameux code moral. Et en quoi cela nous concerne. Qu'est-ce que c'est d'abord un "code moral"? Une liste de valeurs essentielles qu'il faudrait s'efforcer de respecter, de vertus qu'il faudrait acquérir? Un catéchisme en somme? Rien d'aussi grandiloquent et en même temps, bien mieux que cela ...
    Cette liste que nous voyons afficher constamment sur nos documents est historiquement inspirée de l'ancienne culture japonaise, de sa société militaire régie par la loi du bushido. A ce titre, elle pourrait nous rebuter ou ne susciter que notre indifférence, et ce serait dommage. Loin de nous inviter à jouer les samurai, autres temps, autres moeurs,elle nous rappelle au contraire très opportunément qu'il existe des valeurs qui peuvent être universelles, reconnues par tous au-delà des pays et des époques ... et que le judo est un bon moyen de parvenir à les incarner. Monter sur un tapis pour s'entraîner et pour combattre, c'est, sans l'avoir recherché, devenir meilleur en tant qu'homme. Comment cela? Par la simple pratique soutenue et patiente de notre discipline, source d'expériences simples mais profondes, de transformations quotidiennes et discrètement fondamentales. Ce vieux secret des arts martiaux orientaux, Jigoro Kano l'a offert au plus grand nombre et nous e profitons aujourd'hui. La première de ces transformations : la politesse.
    Si le courage ou la modestie, par exemple, sont des qualités qui peuvent naître de la pratique avec le temps, la politesse, elle s'impose dès le commencement au jeune judoka sous la forme d'une "étiquette" simple mais rigoureuse. C'est peut-être la seule de toutes les valeurs rassemblées dans le code moral du judo qui soit effectivement demandée dès le départ, avant toute chose. C'est normal car, au fond, la politesse est à peine une qualité et assez loin d'une vertu, tout au plus une règle de savoir-vivre. On peut être poli sans être loyal, ni sincère, ni respectueux. La politesse, c'est ce qu'on impose aux enfants, qui n'ont pas encore les moyens de comprendre les implications de leurs attitudes. "Saluez le tapis en sortant!" dira le maître à sa marmaille piaillante et joyeuse, et la marmaille s'exécutera sans y réfléchir. Pour un adulte, la politesse ne suffit plus. "Tu pourrais au moins rester poli ...", dira-t-on à celui qui a passé les bornes.
    En judo, la politesse (l'étiquette) ouvre la pratique et la ferme. On salue en arrivant et en partant, on salue avant un exercice et après l'avoir fini, avant un combat et à la fin de celui-ci. On nous demande de saluer les lieux, nos partenaires, notre professeur, de faire silence pendant le cours, de travailler au même rythme que les autres, d'avoir une attitude sobre, de se tenir droit, de rajuster son judogi quand il est défait. Des règles tellement simples qu'on y pense à peine, qu'on les néglige de temps à autre. Pourtant, dès le départ, cette étiquette offre une attitude au débutant, comme une colonne sur laquelle s'appuyer. Il est maladroit, confus, mal à l'aise parfois, inquiet souvent, mais cette étiquette simple, cet ensemble de règles qui encourage à la netteté, qui suggère l'attitude à adopter avec le professeur et avec les partenaires, qui indique le début et la fin des choses, lui permet toujours de se replacer au sein du groupe. De suivre, de commencer et de finir, de s'apaiser physiquement et mentalement. Très vite, et grâce à elle, il peut apprendre, travailler avec de nombreux partenaires différents, lutter contre de nombreux adversaires, rentrer en compétition, projeter, être projeté, toutes choses qui ne vont pas de soi, sans que jamais les sentiments, les frustrations, les colères, la violence ne s'imposent.
    Au pratiquant déjà confirmé, l'étiquette est devenue naturelle. Il n'affecte plus les gestes, il les vit avec simplicité. Rien ne lui est plus imposé, son respect de l'étiquette est devenu l'attitude juste, celle qui convient le mieux à ce qu'il est en train de faire, celle qui permet de commencer et de finir chaque chose, d'en profiter au mieux. Grâce à cette attitude juste, adoptée sans effort, sans qu'il n'y ait d'obligation ... les progrès deviennent possibles. Ainsi, saluer, droit et ferme, son futur adversaire n'est pas le courage mais y invite, serrer la main de celui qui vous a vaincu n'est pas la sincérité mais y invite, écouter debout et en silence l'explication d'un professeur n'est pas le respect mais y invite ... La politesse n'est peut-être pas une vertu mais c'est sans doute elle qui permet toutes les autres.


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